– Overlanding for Conservation –
Deuxième partie d’une semaine au cœur de Take A Way –
Pour changer un peu, je voudrais vous emmener avec moi une semaine durant. Vous faire partager mon quotidien en détails sur la route. Mes rencontres, mes visites, mes sensations, mon itinéraire et mes galères. Car oui, un bon récit se doit de contenir quelques merdes. Disons que c’est moins fun sans. Et croyez-moi, j’ai parfois l’impression de faire tout mon possible pour vous apporter mon lot d’emmerdes. Voici donc ce qui s’est passé durant ces 7 jours.
Jour 4 – 18/02/19 : Le feu aux fesses – ? km
Le lendemain de ma soirée pêche, j’ai pour objectif de visiter la «Cueva de Los Manos ». Un lieu historique classé au patrimoine de l’UNESCO où sont représentées de nombreuses peintures de mains dont certaines datent de plus de 9 700 ans. Ce lieu mystique est perdu le long du flan d’un canyon se jetant dans une vallée verdoyante. C’est un espace très curieux étant donné la nature du paysage des environs. Sur des centaines de kilomètres à la ronde, la sécheresse et l’aridité dominent faune et flore. Mais la petite rivière qui silionne au fond de ce canyon apporte de la vie dans cette région quasi post apocalyptique qui me fera souvent penser aux décors de Mad Max. De nombreuses espèces d’arbres et d’oiseaux ont élu domicile dans ce jardin d’Eden tout aussi passionnant que le spectacle affiché sur les falaises.
Des centaines de mains sont peintes sur les murs. Ces artistes d’un autre temps utilisaient un mélange de terre des environs et d’eau pour souffler autour de leurs mains et ainsi en dessiner le contour. D’après les tests effectués au carbone 14, quatre périodes notables peuvent être distinguées vieilles de 9 700 ans, pour les plus anciennes, à environ 2 500 ans, pour les plus récentes. Cependant, la raison pour laquelle il existe un si gros écart entre les différentes périodes reste à ce jour encore inconnue. Un nouveau mystère de l’histoire qui me plaît. Comme un tour de magie dont on apprend les secrets qui perdrait alors tout son charme, j’apprécie quand un aspect reste encore caché de tous.
Sur le chemin pour rejoindre ce site, mon voyage (et sûrement une partie de mon intégrité physique) a bien failli prendre un tournant tragique. Il y a une trentaine de kilomètres séparant la ruta 40 de la vallée. 30 km d’une piste en mauvais état mais à la vue incroyable (encore une…). Le paysage sec et aride est parsemé de petits buissons appréciés par les nombreux Guanacos que je croise. Les couleurs sont dominées par le brun et le marron de la terre et des roches. Mais là n’est pas où je veux en venir. Les vibrations de cette route ont permis à mon bidon d’essence auxiliaire de 5L de bouger de son emplacement d’origine et de se coller sur mon pot d’échappement. Alerté par une odeur de brûlé, je m’arrêterai précipitamment sur le bord de la piste pour découvrir un spectacle que j’espère ne plus retrouver.
La chaleur dégagée par l’échappement a fait fondre le plastique du bidon faisant alors un petit trou permettant à un filet d’essence de s’échapper. Ma plaque d’immatriculation est complètement carbonisée sur la partie supérieure droite. J’ai aspergé l’ensemble avec la poussière de ripio environnant pour stopper les dégâts, mais il est désormais impossible de voir mon beau numéro « 90 » pour représenter ma région. Un nouveau signe que je perds encore un peu plus de mon identité. Comme si la Patagonie cherchait à me happer dans son monde petit à petit. Ce n’est pas pour me déplaire pour autant. J’ai tout de même beaucoup de chance dans cette péripétie car à la vue du bidon, je pense qu’à quelques secondes près, le bidon et son contenu auraient totalement pris feu mettant en flamme Baloo, mes affaires et sûrement moi au passage. J’ai eu littéralement, le feu aux fesses !
Encore une fois, je vais en sourire et même en rire. Rire de ma bêtise, rire de ma chance insolente et surtout rire du fait que je trouve drôle cette situation qui aurait pu devenir tragique. Putain ce que je peux me trouver con parfois, mais entre nous ; j’adore ça…
Après plusieurs kilomètres d’une piste toute aussi belle que la précédente, je récupère la RN40 sans destination mais en gardant mon cap Sud. Le soleil embrase l’horizon et je n’ai toujours pas trouvé un endroit pour poser ma tente. Le vent souffle très fort dans ces grandes plaines où 350 km peuvent séparer deux villes l’une de l’autre.
Je m’abriterai le long d’une petite colline (ou très gros rocher) qui me couvre un peu de ce vent dévastateur. Avant de mettre en place le campement, je pourrai observer plusieurs cadavres et os de Guanacos éparpillés un peu partout. Cela ne fait aucun doute, je suis sur le territoire d’un puma. Pas le choix, nous allons devoir cohabiter ce soir. Il y a très peu de risque d’attaque, je le sais, mais je dormirai tout de même avec le couteau à portée de main…
Jour 5 – 19/02/19 : Le vent Patagonien dans toute sa splendeur – ? km
Au petit matin, le vent souffle si fort qu’il plie ma tente déjà bien abîmée depuis le Brésil. Je range donc toutes mes affaires devant ce spectacle d’immensité extrême où la nature fait loi. Pas le temps de déjeuner, je veux prendre la route au plus vite car une grosse journée m’attend et vu la force du vent dès le petit matin, je sais d’ores et déjà que je vais en chier.
Et effectivement, tout au long de la journée le vent se fera de plus en plus redoutable. Si puissant qu’il m’est parfois tout simplement impossible de m’arrêter car sans élan le souffle plaque la moto au sol et je n’ai pas la force de la retenir. Sur une portion de piste de 80 km, je ferai les frais de ce « mighty wind of Patagonia ». Je ne dispose pour rouler que d’une bande d’environ 40 cm de large tracée par le passage des voitures précédentes. Le reste est constitué de plusieurs centimètres d’épaisseur de ripio impraticable.
Seulement, même à 25km/h, il m’est très difficile de rester sur cette bande de piste avec le vent frappant le côté droit de Baloo. C’est physiquement très éprouvant. Les bras sont crispés sur le guidon, les abdos contractés pour garder la moto droite et les cervicales mises à rude épreuve par les rafales qui viennent se heurter sur mon casque. C’est comme un coup de poing qui essaierait de me dénuquer à la Stallone à chaque impact. En Patagonie, je pense que le vent ne devrait pas être exprimé en vitesse mais en angle. L’angle que la moto doit prendre pour rester droite.
Comme si cela n’était pas suffisant, une petite pluie fine s’invite sur le champ de bataille. Ma visière et mon masque sont trop sales pour vraiment y voir au travers et j’avance donc sans protection face à ces gouttes d’eau qui ressemblent à de véritables cure dents acérés cherchant à me crever les yeux. Sur la moto, encouragé par un gros set de Drum & Bass dans les oreilles, je crierai de toutes mes forces à plusieurs reprises pour me donner du courage et motiver Baloo : « PUTAIN ON EN CHIE BALOO MAIS ON VA LE ****** CE VENT DE ***** ! ». La guerre est déclarée et on n’est pas du genre à baisser les bras !
Mais au bout d’un moment, le corps ne suit plus. Je suis fatigué, épuisé par ces derniers jours de combat avec mère nature. Une énième bourrasque me fera dévier une nouvelle fois de ma trajectoire mais ce coup-ci je n’ai ni les réflexes, ni le physique me permettant de récupérer la moto qui partira dans tous les sens me faisant goûter ce ripio épais.
Par chance, une chute sans gros dégâts pour Baloo (et pour moi également d’ailleurs mais ce n’est pas le plus important). Je dois cependant me dépêcher de relever la moto car de l’essence s’échappe de mon bouchon de réservoir modifié. Les 240 kg chargés de Baloo semblent doublés par le vent qui plaque la moto au sol de toute sa puissance. Ce sera sans doute l’effort physique le plus dur et intense de ma vie. Mais pas le choix, je suis seul et plus de 100 km me séparent de la prochaine ville.
Jour 6 – 19/02/19 : El Chalten, domaine du Fitz Roy – 0 km
La veille fut si compliquée physiquement que j’ai besoin d’une journée de repos. Je pense que Baloo est également partant pour une journée sur sa béquille. Par chance, la météo est excellente. Depuis ce petit village d’El Chalten, je peux observer le sommet du Fitz Roy qui domine la vallée. Il est majestueux, tout puissant, comme un gardien qui surveillerait de son œil malicieux les activités des randonneurs et des locaux.
Après avoir fait la connaissance de mes colocataires éphémères de l’auberge, j’irai réserver ma place dans un bus pour l’ascension de cette attraction immanquable de la Patagonie. Un café / gaufre, une coupe de cheveux et un tour au supermarché plus tard, je me retrouverai à traîner, une bière à la main, à observer les nuages entrer en collision avec le sommet plusieurs heures durant jusqu’à ce que le sommeil me rattrape.
Une journée aussi utile qu’inutile comme on dit. Elles font du bien de temps en temps. Je pense même qu’elles sont nécessaires pour pouvoir vraiment apprécier les journées plus intenses.
Jour 7 – 20/02/19 : El Chalten, La désillusion du Fitz Roy – 0 km
Le rendez-vous avec le chauffeur de bus est pris pour 9h00 du matin devant l’agence pour rejoindre le point de départ de ma marche du jour. Après 35 min de bus le long d’une superbe rivière, nous arrivons à bon port. Cet endroit est très touristique, il y a donc de nombreux marcheurs au départ. Cela me pose problème car je n’aime pas être dans un endroit aussi beau et naturel entouré de marcheurs qui parlent et font du bruit. Je passe donc la seconde et double l’intégralité des groupes partis avant moi.
Je me retrouverai au point de vue prisé de tous en 2 heures au lieu de 4h annoncées pour ces 10 km. Beaucoup sont déjà arrivés car partis de points de départ plus proches que le mien. La vue pourrait (et devrait être) spectaculaire mais la météo se joue de moi et il m’est impossible de voir le sommet du Fitz Roy au-dessus de ce petit lac.
C’est pas grave, je relativise et me dis que l’on ne peut pas être victorieux à chaque bataille. Cela permet d’apprécier encore davantage les différentes victoires que je peux rencontrer sur la route. Et entre nous, depuis mon premier jour sur la route, j’ai eu plus de victoires que de défaites ! L’ensemble de cette marche est très diversifié et il est tout de même possible de voir de nombreux glaciers dès que l’on tourne la tête.
Malheureusement, avec ma blessure lors d’une randonnée précédente et ma chute de l’autre jour, je finirai les 10 derniers kilomètres de cette marche de 20 km au total, en boitant et mettrai deux fois plus de temps qu’à l’aller (alors que je redescends). Je serre les dents, m’accroche et profite de ce paysage que je ne reverrai sûrement pas de si tôt.
La vie continue et quelle est belle ! Les semaines qui suivent seront toutes aussi exceptionnelles. J’ai pris plaisir à vous faire partager en détails ce qui peut se passer quotidiennement pendant mon aventure. Pour conclure je n’aurai qu’une seule chose à dire : FONCEZ !
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